Je cherche une image presque réaliste, familière, mais juste à côté du réel.
À l’ère du tout-virtuel, la pellicule argentique a en elle-même pris des allures de mythe. Elle est un anachronisme, un objet fragile et mystérieux qui semble doté du pouvoir de traverser les époques.
Le procédé est plus lent, plus laborieux, et produit des images moins détaillées que celles de sa contrepartie numérique. Cependant, si plusieurs photographes choisissent aujourd’hui la photo argentique, c’est qu’elle possède des qualités bien à elle.
Contrairement aux technologies numériques, linéaires et calculées, les procédés analogiques possèdent un rendu naturellement progressif et organique. Pour un plasticien, elles sont avant tout un choix esthétique, mais j’y vois aussi un aspect narratif: l’image analogique ne semble pas solidement ancrée au temps présent. Elle suggère une chronologie beaucoup plus vaste, et c’est ce flou temporel qui la rend propice à l’évocation d’un monde imaginaire. Je cherche une image presque réaliste, familière, mais juste à côté du réel.
La saveur qui dure encore plus longtemps
La plupart du temps, la pellicule argentique ne sera pas votre choix le plus pratique ni le plus judicieux. Le négatif, bien qu’il soit un objet physique, possède des qualités qui relèvent largement de l’intangible. Serions-nous ici face à une affection, voire même à une vocation mystique?
Pour ma part, en particulier pour le portrait en noir et blanc, je préfère le rendu du film, tout simplement. S’il m’arrive parfois, via d’astucieux algorithmes, d’en simuler les qualités granuleuses, je m’en trouve inévitablement rongé d’un doute: Pourquoi donc imiter lorsque l’on peut faire en vrai?
Une chose est sûre, ces histoires pelliculaires ne se déroulent pas dans l’immédiat. L’argentique c’est l’anti-instantané, la saveur qui dure encore plus longtemps.
Voilà quelques points pour vous aider à éclaircir cette affaire:
- ça bouge très vite
- vous souhaitez une précision nanométrique
- vous serez de retour là où il y a de l’électricité avant ce soir
- vous n’êtes pas en Antarctique ou dans le Sahara
- vous devez nourrir l’internet
- vous vous demandez de quoi je parle
Si vous avez répondu «oui» à l’une de ces propositions, surtout n’abandonnez pas tout de suite la photographie numérique. ◼︎