Né à Montréal durant l’Expo 67, année où le Québec s’ouvre sur le monde, Éric Rico Michel est photographe, concepteur graphique et musicien. Depuis les années 1990, il œuvre parallèlement comme designer en agence, comme auteur et guitariste de groupes montréalais, tout en poursuivant une recherche créative en arts interactifs et en photographie.
Rico a créé une police de caractères vectorielle pour le magazine Rectangle (1987), publié un album de musique originale avec le groupe Les Michels (1995), produit des environnements virtuels interactifs pour Google Maps (2014), réalisé le court métrage Rêverie de la mi-été (2017), et présenté des expositions solo et collectives en tant qu’artiste numérique et photographe (2017–).
Le déjà‑vu est une brève expérience durant laquelle le temps semble avoir été mis en boucle.
Le moment se déroule devant nos yeux, au temps présent, mais il nous semble en tout point identique à un souvenir, à un événement que l’on aurait déjà vécu mais dont on ne parvient toutefois pas à clairement identifier l’origine.
La science suggère que ce phénomène ne serait dû qu’à une simple erreur d’aiguillage dans le cortex cérébral¹. Mais fort heureusement, le monde ne se limite pas à celui de la connaissance scientifique; ainsi, j’aime imaginer qu’il puisse exister une dimension parallèle à la nôtre, un monde où la totalité du temps et de l’espace serait accessible simultanément de manière non-linéaire. Le déjà-vu ne serait alors qu’un glissement entre ces deux dimensions, un «glitch» de l’espace-temps qui nous donnerait momentanément accès à cette autre chronologie. Lire
Bien entendu, l’image photographique ne peut, comme le fait la peinture, aspirer à une abstraction pure. Cela est du à sa définition: elle est un mécanisme qui permet de fixer l’image d’un objet réel¹. Un dispositif optique, comme un objectif ou un sténopé, capte la lumière ambiante et la projette sur une surface photosensible. Cette surface, qu’elle soit une pellicule argentique ou un capteur numérique, va réagir à différents degrés selon l’intensité de la lumière reçue; elle peut ainsi enregistrer l’image momentanément projetée par l’objectif.
Les peintres abstraits ne cherchaient pas à renier la réalité, mais plutôt à faire avancer la peinture en la libérant des contraintes formelles du réalisme. Ils ont dégagé le vocabulaire qui lui était propre en la ramenant à ses éléments essentiels: la matière, la forme, la couleur. La peinture ne devait plus rien au reste du monde: elle valait en elle-même. C’est cette pensée qui sous-tend tout l’art moderne du vingtième siècle. Lire
Can’t handle this – Vue rapprochée d’une poignée en acier vert lime sur un conteneur calciné, au centre-ville de Montréal, Québec. Cette photographie panoramique couleur a été prise par Rico Michel en mai 2023.
Un ange de tôle – Vue horizontale d’une pièce de tôle ondulée ressemblant à une aile, à Montréal, Québec. Cette photographie panoramique noir et blanc a été prise par Rico Michel en mars 2023.
Sous ton manteau d’hermine – Vue rapprochée d’une roue de bicyclette recouverte de neige fraîche, dans le quartier chinois, à Montréal, Québec. Cette photographie panoramique noir et blanc a été prise par Rico Michel en février 2023.
Daidō Moriyama publie en 1972 un des chefs-d’œuvres de la photographie moderne: «Shashin yo Sayōnara» (Adieu, photographie). On trouve dans ce livre photo de 308 pages un continuum d’images en noir et blanc à la limite de l’abstraction. Certaines de ces images, selon Moriyama, ont été recomposées à partir de chutes de pellicule trouvées sur le plancher de la chambre noire. L’ensemble est pourtant d’une parfaite cohérence: il repousse les limites formelles de la photographie tout en affranchissant son discours de tout devoir de réalisme. Moriyama, clairement, désirait «aller au bout de la photographie».
Le travail de Moriyama n’est certainement pas facile d’approche pour un observateur occidental. On n’y trouvera pas d’image uniquement séduisante à laquelle on pourrait réduire toute son œuvre. Sa démarche, bien qu’essentiellement urbaine et imprégnée de culture médiatique, reste fidèle à la pensée orientale: elle accorde peu d’importance à l’image individuelle et ne trouve son sens que lorsqu’on l’envisage dans son ensemble. Lire
Un homme qui m’avait vu au travail lors d’une de mes innombrables déambulations photographiques me fit part de cette fine observation: «Vous photographiez ce qu’on ne voit pas»
En lisant «Mémoires d’un chien», je me suis imaginé en Kerouac japonais, faisant la route avec Daidō. Nous cherchions à nous égarer dans l’espace-temps, à la recherche de cet état où, privés de nos repères habituels, nous en viendrions à confondre passé, présent, mémoire et imagination. Daidō n’était pas nostalgique. Il ne cherchait pas une image mémorable, mais l’image de la mémoire elle-même.
Landes – Vue horizontale d’ombres portées par des échafaudages sur un conteneur vert, dans le Quartier des spectacles, à Montréal, Québec. Cette photographie panoramique couleur a été prise par Rico Michel en mars 2022.